Si Tycho manifesta peu d'intérêt pour la spéculation cosmologique, ce fut en partie à cause de l'absence d'observations précises qui auraient permis de vérifier les théories. En 1563, par exemple, Tycho observa qu'une conjonction des planètes Jupiter et Saturne se produisit à plusieurs jours d'écart avec le moment prédit par les tables prussiennes, éphémérides alors en usage. Tycho refusait le système de Copernic, non seulement parce qu'il contredisait la Bible, mais aussi parce qu'on n'y observait pas de parallaxes annuelles; il prônait un système géo-héliocentrique analogue à celui d'Héraclide.

Tycho Brahé fut un maniaque de l'observation, se révélant fort doué pour la conception et la fabrication de nouveaux instruments qui ne possédaient aucune composante optique, comme une lentille ou un miroir, le télescope n'ayant pas encore été inventé. Même si Galilée critiqua plus tard la complexité inutile et le coût exorbitant de ces instruments, il n'en demeure pas moins que Tycho pu obtenir de nombreuses observations, d'une grande précition. L'erreur de position des astres observés était de l'ordre d'une ou deux minutes d'arc. Tycho fut sûrement l'un des premiers astronomes, après Hipparque, à avoir réalisé la nécessité d'observations systématiques faites nuit après nuit, de façon continue.

Le 11 novembre 1572, Tycho découvrait une étoile nouvelle dans la constellation de Cassiopée, à un endroit du ciel où il n'y avait aucune étoile auparavant. L'objet devint si brillant qu'il fut visible en plein jour. Cette apparition fantastique consterna Tycho et ses contemporains. Tycho souligna l'abscence de parallaxes de l'objet, le situant à une très grande distance. Comme nous le savons aujourd'hui, l'objet qui fascina tant Tycho était une supernova ( étoile qui explose dans sa phase finale ). Les mesures de la brillance de la supernova, par Tycho, furent si précises que les astrophysiciens contemporains les utilisent encore pour étudier les supernovæ.

En 1576, le roi Frédéric II du Danemark, ami des arts et des sciences, et impressionné par Tycho, offrit à ce dernier une petite île ( Hveen ) près de Copenhague. Pour poursuivre ses études, Tycho recevait une riche pension. Il détenait en outre l'autorité suprême et percevait des revenus à même le travail des habitants de l' île, qu'il administra d'ailleurs comme un véritable dictateur. Il construisit sur l'île même son célèbre observatoire d'Uraniborg qu'il équipa d'une imprimerie et d'instruments, fabriqués dans son atelier.

Les observations de Tycho accumulées durant sa vie allaient devenir la base de l'étape suivante de l'évolution de la pensée astronomique. Ce fut le jeune Kepler ( 1571-1630 ) qui devait exploiter à fond les travaux de Tycho; il allait rédiger de nouvelles annales astronomiques, les tables rudolphines, et établir sa théorie du mouvement de la planète Mars. Il fallut cependant à Kepler six années de travail acharné pour trouver une solution étonnamment simple aux mouvements planétaires. Tycho connaissait les écrits de Kepler et ce dernier désirait étudier les observations du grand maître. Le sort allait les faire se rencontrer.

Malgré son génie, Tycho se révéla un fort mauvais administrateur. De plus, il était d'une dureté abominable à l'égard des habitants de son île. Monopolisant aveuglément les ressources de l'île pour Uraniborg, il fit banqueroute. Tombé en disgrâce, Tycho dut quitter le Danemark. Il partit pour Prague où l'empereur Rodolphe II le prit sous sa tutelle vers la fin de 1599. Par ailleurs, un édit émis contre les protestants força Kepler à quitter la Styrie et à se réfugier à Prague, à l'abri de l'intolérance religieuse. C'est là que Kepler et Tycho se rencontrèrent et firent face à leur désaccord sur la théorie de Copernic. Kepler entreprit une analyse des observations de Tycho et devint en quelque sorte le dauphin du " mathématicus impérial ". À la mort de Tycho, le 22 octobre 1601, Kepler lui succéda, à la demande de l'empereur.