Les filtres en astronomie

 

Un filtre est une pièce optique (généralement une lame en verre à faces parallèles) dont le rôle est de modifier la nature de la lumière qui le traverse. On trouve des filtres colorés destinés à l’observation planétaire, des filtres interférentiels pour le ciel profond, des filtres solaires et d’autres polarisants. L’amateur a tendance à augmenter le diamètre de son télescope pour avoir plus de lumière. On peut alors se demander pourquoi utiliser un filtre qui absorbe une partie de la lumière. En fait, malgré une certaine absorption de la lumière, nous allons voir que les filtres peuvent améliorer de façon parfois spectaculaire les observations.

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Pour comprendre le fonctionnement des filtres, il faut tout d’abord avoir une idée de ce qu’est la lumière, c’est une onde électromagnétique. Une onde est un système qui se déplace, comparable au déplacement d’un ensemble de vagues. Le terme électromagnétique précise la nature de ces vagues. La lumière est caractérisée par sa longueur d’onde ; c’est la distance entre deux sommets de vagues qui se suivent. L’œil interprète les différentes longueurs d’ondes comme des couleurs différentes : pour le bleu, la longueur d’onde est d’environ 400 nm (manomètre, 1 nm = 10-9 mètres), pour le rouge, la longueur d’onde se situe aux environ de 700 nm. En fait, l’œil ne peut percevoir qu’une très petite partie du spectre électromagnétique. Les rayonnements ayant des longueurs d’ondes invisibles portent des noms. Dans l’ordre des plus petites vers les plus grandes : Rayons g Rayons X, ultraviolets, Visible, Infrarouges, millimétriques et radio.

Les filtres de couleur

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Un filtre de couleur est une lame de verre teintée qui empêche le passage de la lumière complémentaire à sa propre couleur : un filtre vert coupe le violet, un filtre bleu coupe le magenta… Ces filtres permettent donc de faire ressortir certains détails tout particulièrement en observations planétaires. Il faut donc utiliser un filtre de la couleur complémentaire de ce que l’on veut observer : Un filtre bleu foncera la tache rouge de Jupiter, un filtre orange renforcera les régions verdâtres de Mars, faisant ainsi ressortir les détails peu contrastés. Tous ces filtres peuvent êtres utilisés en visuel comme en photographie, seuls ou combinés. Toutes les marques commercialisant des filtres utilisent des chiffres pour repérer leurs couleur (référence de la marque Wratten déposée par Kodak). Voici les codes des couleurs les plus utilisées : 8 Jaune léger 11 Jaune-Vert 12 Jaune 15 Jaune 21 Orange 23 Rouge léger 25 Rouge 29 Rouge foncé 38 Bleu foncé 47 Violet foncé 56 Vert léger 58 Vert 74 Vert foncé 80 Bleu 82 Bleu très léger 92 Rouge très foncé 96 Filtre de densité gris neutre Il existe un filtre coloré réservé à la photographie du ciel profond : le filtre Ha (lumière émise par l’hydrogène ionisé). C’est un filtre ne laissant passer que les longueurs d’ondes plus grandes que celle de l’hydrogène ionisé (656 nm), donc un rouge profond et l’infrarouge. La longueur d’onde Ha est émise par les nébuleuses et l’œil y est quasiment insensible en vision nocturne. Par contre les émulsions photographiques comme le TP2415 y sont très sensibles. En fait, ce filtre est à peu près l’équivalent du filtre n°92.

Les filtres interférentiels

Malheureusement, l’éclairage public devient de plus en plus gênant, et les endroits ou le ciel est noir, rares. On est donc obligé de s’en remettre à des filtres éliminant la lumière des lampadaires. Un filtre de couleur laisse passer une seule couleur de lumière, nous voulons ici un filtre laissant passer toutes les couleurs, sauf une, celle des lumières artificielles. Il s’agit de ce que l’on appelle des filtres interférentiels. Ils sont assez chers, mais terriblement efficaces. Ces filtres sont composés d’une lame de verre sur laquelle on a déposé, par évaporation, des couches très minces de substances transparentes. Dans les différentes couches, il y a des réflexions lumineuses, qui interfèrent, détruisant la lumière pour des longueurs d’ondes précises. Les longueurs d’ondes pour lesquelles cela arrive dépendent directement des épaisseurs des couches et de leurs nombre. Il existe 2 principaux types de filtres interférentiels : a bandes larges et a bande étroite. Le graphique ci-dessous donne une idée de l’allure des courbes de transmission spectrale (pour chaque longueur d’onde, on a directement le pourcentage de lumière qui passe). Bande large Type Deep-Sky de Lumicon ou LPR de Celestron. Ces filtres n’éliminant que la lumière artificielle, la quantité de lumière les traversant est encore importante. Ils offrent un bon contraste visuel, mais sont surtout performants en photographie (où il obligent quand même à doubler le temps de pose). Transmettant presque toutes les longueurs d’onde, ils sont adaptés à la totalité des objets du ciel profond. Bande étroite De type OIII, Ha ou UHC de Lumicon ou NB de Meade. Ces filtres sont beaucoup plus sélectifs en ne laissant passer qu’une gamme de longueur d’onde fort restreinte. Ils éliminent plus de lumière parasite donc, à travers ceux-ci, le fond de ciel est beaucoup plus sombre. La gamme de couleurs transmise est généralement centrée sur les raies démissions OIII (Oxygène) et Ha (Hydrogène), de couleurs bleu – vert, qui correspondent au maximum de sensibilité de l’œil en vision nocturne. De tels filtres laissent passer 5 à 10 nm autour de la raies pour laquelle ils sont conçus. On dit qu’ils ont une bande passante de 10 à 20 nm. Ces filtres très sélectifs ne sont adaptés qu’aux nébuleuses planétaires et diffuses qui nous envoient cette lumière, mais leurs effets sont spectaculaires. On peut constater qu’ils transmettent aussi un peu de bleu et de rouge, mais en vision nocturne, l’œil n’a presque aucune sensibilité dans ces couleurs. La très faible quantité de lumière les traversant les rend très difficile à utiliser en photographie.

Qualité d’utilisation Nébuleuses planétaires Nébuleuses diffuses Etoiles Galaxies Photo
Deep-Sky ou LPR ou BB ** ** ** ** ***
OIII **** ** * * *
Ha * * * * **** (nébuleuses)
*(galaxies)
UHC ou NB *** *** * * *

      * : Déconseillé ou non adapté
      ** : moyennement adapté
      *** :très adapté
      **** : particulièrement spectaculaire

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Les filtres polarisants

La lumière peut être assimilée à une onde vibrant dans un plan. Sur le schéma, on voit deux ondes, une dans un plan vertical, et une seconde dans un plan horizontal. Un filtre polarisant possède un sens de polarisation. Seules les ondes dont le sens de vibration sont parallèles au sens de polarisation du filtre peuvent le traverser. Un tel filtre laisse donc passer que 50% de la lumière. Le polarisant est utile pour l’observation des planètes en plein jour. Effectivement, la lumière du ciel bleu est en partie polarisée. En faisant tourner le filtre, on trouve une position ou celui-ci va foncer le ciel augmentant ainsi le contraste entre le planète et le fond de ciel. On peut aussi utiliser deux filtres polarisants placés l’un derrière l’autre. Lorsque les sens de polarisation sont parallèles, le second filtre n’a pas d’effet et l’ensemble transmet donc 50% de la lumière. Lorsque les sens de polarisation sont perpendiculaires, le second filtre coupe tout ce qui sort du premier et l’ensemble transmet 0%. En tournant un filtre par rapport à l’autre, on peut régler à volonté la transmission entre 0% et 50%. Ces filtres sont utiles pour l’observation lunaire afin d’éviter l’éblouissement. Ils sont par contre totalement proscrits pour l’observation solaire.

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Les filtres solaires

Les filtres solaires de densité La première catégorie de filtre de densité est le filtre se vissant dans le filetage de l’oculaire livré avec les instruments d’initiations (filtre "sun"). Ces filtres sont à bannir, car situés très près du foyer de votre instrument, ils chauffent beaucoup et risques d’éclater. Si à ce moment vous avez votre œil derrière l’instrument il y a un risque certain de devenir aveugle. Pour cela, il est préférable d’utiliser un filtre "pleine ouverture" se plaçant à l’entrée de l’instrument (en verre ou en mylar). Les filtres de densité de couleur neutre ont pour rôle de diminuer la quantité du lumière sa altérer sa nature. Ils sont réalisés à l’aide d’une lame en verre sur laquelle on a fait un dépôt métallique. On trouve des filtres dont la transmission est de 1/10 000éme qui sont destinés à l’observation et des filtres au 1/1 000éme, plus lumineux destinés à la photographie. Ces filtres existent dans tous les diamètres et sont de prix très abordables (tout au moins pour ceux de qualité courante). Personnellement, je vous conseillerais l’achat d’un filtre photographique, que vous pouvez doubler avec un filtre gris neutre W96 afin de faire des observations. Il faut profiter des prix actuellement très bas, car l’éclipse totale de soleil de 1999 fera très probablement monter les prix. Les filtres mylars sont des filtre de densité pas tout à fait neutres (ils fournissent une image bleutée). Ils sont constitués d’une feuille très fine de mylar (10 à 12 microns) recouverte d’un dépôt métallique. Le mylar se place à l’entrée de votre instrument et peuvent se tendre à l’aide d’un élastique. Il n’y a pas besoin que le mylar soit parfaitement tendu, des bosses à sa surface n’altèrent pas la qualité optique. Toutefois, ces filtres laissent passer les infrarouges et les ultraviolets dans des quantités un peu trop importantes ; il est déconseillé de s’en servir sans la protection supplémentaire d’un filtre coloré vert (type W56 ou W58) supprimant les rayonnements dangereux.

Les filtres solaires interférentiels

Pour l’observation des phénomènes particuliers, il existe des filtres à bande passante très étroite. Le filtre de ce type le plus répandu est le filtre Ha. Ce filtre est disponible avec des bandes passantes de 0,5 0,6 et 0,7 Å (Angström, 1 Å = 0,1 nm). De tels filtres sont très difficiles à fabriquer, ce qui explique leurs prix plus que prohibitifs (de 7 000F à 53 000F). Les bandes passantes les plus étroites permettent d’observer les phénomènes chromosphériques tels que les éruptions solaires, les spicules… tandis que ceux à bandes plus large sont préférables pour l’observation des protubérances. Il existe d’autre filtres ayant des caractéristiques équivalentes, mais centrés sur d’autre longueurs d’ondes (raie FeIII du fer, raie K du calcium…). Ces derniers filtres sont beaucoup plus rares et sont en général utilisés par les astronomes professionnels.

 

Écrit par Patrick Sogorb
http://www.astrosurf.com/sogorb