Choisir un site d’observation
La plupart d’entre nous n’habitent pas dans des sites astronomiquement parfaits. Nous sommes donc bien obligés de charger le télescope dans la voiture pour partir observer sous de meilleurs cieux. Nous allons voir aujourd’hui ce qui distingue un bon site d’un mauvais. Tous les sites ne conviennent pas pour tous les types d’observation. On peut tout de même classer les observations en 2 types principaux : l’observation ou la photo du ciel profond et l’observation ou la photo planétaire.
Le ciel profond
Lors d’observations du ciel profond, on a besoin d’avoir un ciel très
noir et très transparent pour un maximum de contraste car les objets que l’on
observe sont très peu lumineux. Pour ceci, il est indispensable de s’éloigner
le plus possible des villes qui génèrent, par l’éclairage public, un halo
lumineux gênant même à de grandes distances : par exemple, le halo lumineux
parisien est embarrassant jusqu’à plus de 80 km. Toujours pour des raisons de
pollution lumineuse, il faut éviter de se trouver à proximité d’une route,
car bien évidemment la nuit les voitures passent les phares allumés. En plus
de la pollution lumineuse, la transparence du ciel est un facteur déterminant.
L’humidité qui peut être présente dans l’air ou la pollution diffusent la
lumière, d’où une altération du contraste des images Mais un ciel blanchâtre
peut être simplement la conséquence de conditions météorologiques défavorables.
Si le ciel est plutôt bleu clair pendant la journée, l’air n’est pas très
pur et le ciel ne sera probablement pas très noir. Par contre, s’il est bleu
foncé, signe d’une grande pureté, on peut s’attendre à une très belle
nuit. Les meilleurs sites sont généralement en campagne loin des villes ou
encore mieux, à la montagne. Il faut tout de même monter à 1000 ou 1500m
d’altitude pour commencer à passer au-dessus de la couche de crasse qui
diffuse la lumière (humidité et pollution). Pour exemple, tous les grands
observatoires professionnels sont installés dans des endroits loin de tout et
très souvent en altitude :
- Observatoire du Mauna Kea à Hawaii a 4200m d’altitude
- Observatoire de la Silla au Chili dans les Andes à 2400m d’altitude
- Observatoire du Pic du Midi à 2800m d’altitude…
Il est très difficile de savoir dans quelle région, il y a peu de pollution
lumineuse. Cependant, l’examen d’une carte de France donnant les densités
de population permet déjà de se faire une petite idée. Plus il y a de densité
humaine, plus il y a de lampadaires…
L’observation planétaire
Si on veut observer dans de bonnes conditions, il ne faut pas observer n’importe où. Il faut bannir la fenêtre, même ouverte et le balcon qui tout d’abord vous masquent au moins la moitié du ciel, et qui sont ensuite des immenses générateurs de turbulence. Pour pouvoir observer dans de bonnes conditions, il faut pouvoir voir le ciel, donc placer son télescope dehors. La turbulence atmosphérique est le grand ennemi des astronomes. C’est une agitation de l’air plus ou moins importante due aux échanges de chaleur entre 2 masses d’air de températures différentes. Ce genre de phénomène est parfaitement visible au-dessus d’un feu ou l’été au-dessus d’une route. De nuit, on peut facilement percevoir la turbulence : c’est elle qui est responsable du scintillement des étoiles. Plus les étoiles scintillent, plus la turbulence est importante. Près de l’horizon, on constate que la turbulence est forte car la lumière des étoiles traverse alors une plus grande épaisseur d’air. Il est rare que les étoiles scintillent au zénith, alors qu’elles scintillent toujours lorsqu’elles sont basses sur l’horizon. Pour juger de la turbulence à l’œil nu, il faut toujours regarder les étoiles à une même hauteur (45° au-dessus de l’horizon par exemple). Mais, l’œil est peu sensible ; une turbulence quasi nulle à l’œil nu peut être encore suffisamment forte pour gêner les observations à forts grossissements. On peut aussi noter que la turbulence est généralement plus forte de jour que de nuit, ce qui complique les observations du Soleil. La turbulence existe en permanence dans la haute atmosphère, il n’est point besoin d’en rajouter avec les échanges d’air entre l’intérieur et l’extérieur de votre maison. Il est donc préférable d’observer les astres dans votre jardin, dans un pré… Parfois, les villes avec leur couche de pollution qui bloque l’air sont de bons sites du point de vue de la turbulence. Il n’existe pas de règles qui régissent la turbulence, et le seul moyen de choisir un lieu d’observation, c’est de le tester plusieurs nuits. La turbulence peut être due aux conditions atmosphériques, mais il faut aussi faire très attention à la turbulence locale qui est souvent largement aussi forte. La première chose pour juger de la turbulence d’un site c’est de choisir où installer son instrument. Le béton ou le goudron absorbent la chaleur du soleil pendant le jour et la rejette la nuit. Il est donc préférable de s’installer dans une praire ou une pelouse. Faites aussi très attention au capot encore chaud de votre voiture ou encore au tas de fumier si vous êtes à la campagne. Pour pouvoir juger de la turbulence, l’instrument se doit d’être bien en température. Cela permet d’éviter la turbulence interne. Il faut compter entre ½ heure à deux heures, voir plus, pour être sûr de l’équilibrage thermique de l’instrument. Ne vous précipitez pas pour juger de la qualité de la turbulence d’un site. Il faut l’essayer avec diverses situations météorologiques. Il faut aussi savoir qu’en règle générale, la turbulence est bien meilleure en fin de nuit, voire même en toute fin de nuit (1 à 2 heures avant le lever du soleil). Il faut faire aussi très attention au sens du vent. Celui-ci peut ramener vers le télescope la chaleur de différentes sources chaudes, vous y compris. Effectivement, la nuit un homme peut rayonner jusqu'à 100 watts… De plus en fonction du relief, le vent peut générer de la turbulence. Si vous êtes sur une colline exposée au vent l’écoulement de l’air est laminaire et la turbulence pourra être faible. Par contre, si vous essayez de vous placer à l’abri du vent, vous vous retrouverez sur le versant où il y a beaucoup de remous et donc de turbulence.
L’humidité
L’humidité est aussi un facteur pouvant influencer le choix d’un site d’observation. Il est évident que la proximité d’eau (rivière, lac ou mer) peut provoquer une atmosphère humide. Cette humidité n’attend que la baisse de température de la nuit pour se ruer sur nos précieuses optiques. De plus, la proximité d’eau stagnante entraîne aussi une certaine abondance de moustiques. Cela aussi est important pour le choix d’un site. Si on a un bon ciel, mais que l’on passe la nuit à se faire piquer… Pour l’humidité, il vaut mieux privilégier les points hauts. Les plateaux sont toujours beaucoup plus secs que les vallées environnantes. Sur une colline, il y aura moins d’humidité si vous êtes directement exposé au vent plutôt que sur le versant abrité du vent. De plus sur le versant abrité, l’air fait des remous et il y a plus de turbulence.
Météo
Certains atlas donnent des cartes de durées annuelles d’ensoleillement ou de quantité de pluie. Cela permet de faire déjà une première idée des conditions météo d’une région. Pour des informations plus détaillées, vous pouvez vous adresser à Météo-France qui fait toutes sortes de statistiques, y compris des statistiques sur la couverture nuageuse la nuit…
L’accessibilité du site
L’accès au site d’observation est aussi un critère de choix important. Si il faut faire 2h de 4x4 pour y accéder, cela paraît éventuellement envisageable, mais il ne faut pas oublier que vous devrez rentrer en fin de nuit assez fatigué. S’il faut alors refaire 2h de 4x4 ou 25 km de lacets de montage vous pouvez mettre votre vie en danger… Il est donc important de choisir un site de telle façon à n’avoir pas trop de route pour rentrer.
Les commodités du site
Un site plat est tout de même plus pratique qu’un site situé sur la pente d’une montagne. De plus, il est préférable d’avoir de la place pour pouvoir garer plusieurs voitures si vous voulez observer avec des copains. L’horizon se doit d’être le plus dégager possible, et en particulier vers le Sud. L’horizon Est et Ouest sont aussi intéressants pour toutes les conjonctions planétaires… Bref, il n’est pas commode de choisir un bon site d’observation et cela peut prendre plusieurs années. Lorsque l’on a choisi la région dans laquelle on veut observer, je conseille d’acheter la carte IGN locale (Série Bleue ou Top25) et de l’étudier très attentivement. Une fois les sites possibles retenus, il faut tout d’abord aller reconnaître de jour, car la nuit on ne voit pas forcément tout. Si c’est un terrain privé, il est aussi préférable d’avoir l’accord du propriétaire. On ne sait jamais, le propriétaire peut débarquer la nuit avec un fusil chargé au gros sel…
Écrit par Patrick Sogorb
http://www.astrosurf.com/sogorb